Jacques Godin partage 30 ans d’entrepreneuriat
Jacques Godin a dirigé Entreprises Alliées Le Métal de 1976 à 2006. Puis, comme mentor, il a accompagné une trentaine d’entrepreneurs et animé du mentorat de groupe. C’est devenu, pour lui, une seconde nature!
Jacques Godin est arrivé dans le monde des affaires un peu par accident. Il administrait la succession de son grand-père, qui comprenait une entreprise de transformation de métal sous spécification. Il en est devenu le patron par la force des choses, car le poste n’intéresse pas le paternel. En 1984, il rachète la PME avec deux associés, mais demeure l’actionnaire de contrôle.
À l’époque, la PME fabriquait des portes et des écoutilles pour l’industrie maritime, et des cabinets pour la défense. « Ça n’était pas payant, confie-t-il. On a investi dans des machines numériques et on s’est repositionnés vers des pièces de métal plié et assemblé pour des PME ou de gros clients industriels, comme Novabus (Volvo), Hydro-Québec… »
Jacques Godin ne se le cache pas : ce fut une toute une aventure. D’autant plus que l’usine de Saint-Laurent, d’une cinquantaine d’employés, était syndiquée avec les Métallos. « Parfois, c’était compliqué, mais je ne m’en suis jamais plaint, révèle-t-il. Ça négociait fort avec le syndicat, mais, en contrepartie, c’étaient des partenaires fiables quand ça allait mal. On avait une excellente collaboration. »
Avec une convention collective, détaille-t-il, la gestion s’en trouve facilitée. Fini l’arbitraire, les passe-droits, les faveurs. « Je payais des salaires décents, je n’exploitais personne et nous étions rentables, poursuit-il. Ce que je retiens de cette expérience? Quand on respecte les gens, ils vous respectent en retour. »
M. Godin sait de quoi il parle. Quand Nortel un géant de l’économie canadienne, fait faillite en 2009, plusieurs compétiteurs sont forcés de casser les prix, car ils venaient de perdre un gros client. C’était une période très difficile pour Alliées Le Métal.
« Notre banque voulait sortir du secteur et nous a inscrits chez les comptes spéciaux, raconte-t-il. Ensuite, un lundi, juste après Noël, ils m’ont téléphoné pour rappeler leur marge. Nous étions pourtant une des rares entreprises qui tirait quand même son épingle du jeu… Ils voulaient récupérer 700 000$, du jour au lendemain. Je me suis dit que je n’avais pas travaillé pendant 26 ans et tout perdre d’un coup... Mardi matin, j’ai réuni les employés pour leur annoncer qu’on fermait. Le chef du syndicat a répliqué que tout le monde allait travailler gratuitement jusqu’à la fin de la semaine, le temps que je m’arrange avec la banque. Ils étaient derrière moi! On s’est finalement entendus avec le banquier. Pendant un certain temps, on était client chez deux banques, ce qui garantissait notre indépendance. On est passé au travers. »
En 2006, il vend l’entreprise à ses associés et se lance dans le mentorat.. En 2013, il se joint à Anges Québec, investit dans quelques entreprises pour lesquelles il devient administrateur. La même année, il devient entrepreneur en résidence au sein du Parcours Rémi Marcoux HEC Montréal.
« Je n’accompagnais aucun mentoré depuis un petit bout de temps lorsqu’un responsable du Réseau Mentorat me propose le mentorat de groupe, relate-t-il. Je me sentais à l’aise avec cette formule parce que j’avais été membre du Groupement des chefs d’entreprises (ex-Entrechefs PME), qui fonctionne par discussions animées par des modérateurs. J’ai dit oui et je ne l’ai pas regretté. »
Évidemment, le mentorat de groupe est une expérience différente de la formule individuelle. « Au début, je prenais moins le plancher que les mentorés, dit-il. Je me contentais d’animer, de poser quelques questions. Des mentorés m’ont lancé : ‘‘C’est le fun, t’es égal à nous autres’’. Je l’ai pris comme un compliment. Même si je suis en mode écoute, avec le temps, je me suis davantage impliqué dans les échanges… »
À force de fréquenter des mentorés, Jacques Godin confie qu’il a changé sa vision des choses. « Quand j’étais chez Anges Québec, j’ai vite compris que quand on investit dans une entreprise, on mise d’abord sur l’entrepreneur, dit-il. J’ai appris à mieux juger le caractère de mes interlocuteurs. C’est très clair que sur ce plan, le mentorat m’a bien servi : j’ai appris à écouter les gens plutôt que de leur dire quoi faire. Ça me sert aussi dans ma vie privée… »
Il ajoute que le mentorat n’impose pas d’obligation de résultat : « On se concentre sur les raisons et les objectifs qui poussent une personne à être en affaires. Les mentorés cherchent souvent à comparer ce qu’ils vivent avec le parcours d’un gars d’expérience. Mais ça demeure avant tout un échange où je ne donne aucune recette. Le mentoré doit trouver ses réponses par lui-même », conclut Jacques Godin.
Propos recueillis par Stéphane Desjardins.