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Quand la crise permet d'apprendre et de se recentrer, tant comme organisation que comme humain.

Présenté par 

L’humanité a déjà vécu plusieurs grandes crises et celle-ci est loin d’être la pire. Mais un élément ressort : jamais nous n’avons autant réfléchi aux différents enjeux qu’elle soulève. Une belle occasion d’en tirer des apprentissages et de repartir sur de nouvelles bases.

Notre conviction profonde est la suivante : une organisation va aussi loin que ses leaders sont en mesure de se remettre en question et d’évoluer eux-mêmes. Au fil de nos discussions dans les derniers mois avec des leaders, chefs d’entreprise, chercheurs, politiciens, partenaires, collègues, citoyens, plusieurs axes de réflexion ont vu le jour, sous l’impulsion de la situation inédite que nous vivons. Nous voudrions mettre en lumière deux aspects qui nous semblent particulièrement significatifs pour progresser en tant qu’organisation : se recentrer sur l’essentiel et développer la capacité d’apprendre pour faire moins, mieux et autrement.

Se recentrer sur l’essentiel pour réussir


S’aligner sur sa raison d’être

Pour un leader, se recentrer sur l’essentiel signifie s’aligner sur la raison d’être de l’entreprise. Sur ce qu’elle aspire à créer pour les personnes qu’elle dessert et pour la société dans laquelle elle évolue. Or, ce point central qu’est la raison d’être est parfois galvaudé et traité comme un instrument de marketing.

Alors, comment ne pas perdre son âme? En donnant tout le pouvoir à la raison d’être et en s’assurant que les résultats des actions posées en son nom ne soient pas seulement de nature économique. Pour donner du sens à l’action, il importe de vivre la raison d’être pleinement. Car c’est elle l’essentiel, c’est elle qui devrait guider et orienter nos décisions, et ce, afin de produire des résultats utiles, accessibles et respectueux de l’équilibre de notre écosystème.

Raison d’être

Résultats et indicateurs clés de performance

Ces deux aspects sont indissociables et inextricablement liés. En ce sens, il est impossible de penser produire des résultats « profitables » qu’en étant centré sur la production, le profit et le rendement, si l’on est sincèrement branché de tout cœur avec la raison d’être de son entreprise.

Prenons l’exemple de Danone, qui se transforme en « Entreprise à Mission » cotée en bourse. Ses leaders, alignés sur sa mission d’apporter la santé au plus grand nombre, s’assurent ainsi de l’intégration d’objectifs touchant à la santé, la planète, aux personnes et à l’inclusion au cœur même de ses statuts[1]. Les actionnaires ayant répondu « oui » à 99 % votent pour solliciter la finance, qui se met au service de ce qui compte pour changer le monde. Les résultats qui en découleront seront donc intimement liés à la raison d’être poursuivie comme c’est le cas, par exemple, de la création du premier site de production de lait infantile carboneutre au monde.

Pour limiter les angles morts et garder une vision d’ensemble, il est essentiel de constamment revenir à notre raison d’être, d’y arrimer toutes nos décisions et actions. Cela nécessite aussi d’élargir nos indicateurs de résultats afin de pouvoir apprécier le véritable impact sur notre environnement interne et externe. On pourrait penser à intégrer des indices de développement durable, de confiance de toutes les parties prenantes, d’équité, des indices de partage du pouvoir et de la richesse, d’impact sur la santé mentale et physique, etc.

Faire moins et mieux

L’essentiel, pourrait-on dire, est un état d’esprit et une discipline. Greg McKeown[2] explique que ce qui fait le succès d’un leader est justement sa capacité à se concentrer sur le succès. Néanmoins, cela peut aussi nous faire perdre notre objectif et nous conduire à nous éparpiller. Une dispersion qui deviendrait, selon l’auteur, catalyseur de l’échec.

Lorsque le but poursuivi est d’avoir toujours plus, il est difficile de conjuguer les enjeux écologiques et économiques. La solution passe par un changement d’approche : moins et mieux. Moins signifie se concentrer sur les aspects critiques à poursuivre et d’éliminer le reste! Cela suppose d’identifier cet essentiel en prenant du recul, de prendre les décisions quotidiennes qui s’imposent pour garder le cap, en ayant le courage de faire face au jugement des autres (parfois le sien…) pour suivre ce qui fait sens pour soi.

L’essentiel, c’est aussi faire mieux ou autrement, avec « économie ». Ni plus ni moins, seulement ce qui est juste.

Développer la capacité d’apprendre pour faire moins, mieux et autrement

Se mailler et cohabiter

Les affaires et les ressources humaines ont longtemps été deux solitudes qui se côtoyaient dans une difficile cohabitation, car souvent perçues comme des contraires qui s’opposent. Pour faire mieux et autrement, nous devrons à la fois travailler sur les moyens structurants (associés aux rôles, stratégies, processus, normes) et ceux qui humanisent (associés à ce qui crée du lien et du bien-être). Concrètement, il s’agit de travailler sur les priorités stratégiques, les modes d’organisation du travail, les façons de faire, d’apprendre, d’évaluer, tout en œuvrant SIMULTANÉMENT sur les valeurs, les états d’esprit et comportements, les modes de collaboration, de communication et d’être en relation.

Il faudra laisser les uns et les autres « s’en mêler » et prendre leur juste place avec leurs regards différents. Toutefois, une réalité demeure, les champs de force feront toujours partie de la nature même de tout système vivant, qui cherche à rétablir son équilibre en voulant revenir en arrière. Autrement dit, nous ne sommes pas tous au même endroit au même moment et n’avons pas tous la même capacité de vivre avec la différence, le stress, le changement, etc. Trouver l’équilibre collectivement nécessitera de la patience, du recul et une solide capacité de dialogue.

                                                           

 
Créer de nouveaux modèles

Pour aller de l’avant et ne pas revenir en arrière, il faudra conserver cet équilibre grâce, entre autres, à ce savant mélange entre les moyens structurants et humanisants.

Pour cela, il est temps de faire de la place à de nouveaux modèles de gestion et d’organisation du travail. La démocratisation du travail – le temps de travail partagé et à distance, la gestion par résultats, la responsabilisation des équipes, l’allègement des structures et de la hiérarchie – n’en sont que quelques exemples. Ils étaient déjà présents, mais peut-être ne voulions-nous pas les voir.

Notre paradigme basé sur la performance – travailler un nombre d’heures très élevé, faire beaucoup d’efforts sans valeur ajoutée, etc. – a atteint son paroxysme. Il est temps de « prototyper » de nouveaux modes de travail afin d’établir un meilleur équilibre pour tous. Notre capacité pour ce faire se trouve dans la collaboration et l’interdépendance transversale des équipes, dans une optique de partage des pouvoirs. Il est maintenant devenu évident que c’est ce qui créera le plus de valeur aux entreprises.

Les gestionnaires d’aujourd’hui se questionnent beaucoup sur leur rôle et celui de la hiérarchie. De leur côté, les dirigeants d’entreprise devraient aussi s’interroger sur leurs relations avec leur communauté et les gouvernements, mais aussi sur bien d’autres sujets.

L’entreprise, perçue comme un organisme vivant en constante évolution, se déploie à l’intérieur d’un écosystème. Il est temps d’y trouver notre juste place et d’apprendre à écouter avec attention les indices qui nous proviennent de ce vaste environnement dont nous faisons partie. Nous sommes appelés à être humbles! Les leaders auront avantage à se remettre en question en prenant le risque de tester de nouvelles pratiques et en apprenant collectivement avec agilité. Car c’est bien là que se situe l’essentiel : apprendre à apprendre pour réussir avec moins de moyens, tout en faisant mieux ou autrement, et ce, en étant totalement aligné avec sa raison d’être. C’est cette compétence organisationnelle qui permettra de changer la donne. 

 

Cet article, écrit par Caroline Menard et Guylaine Grenier, est une gracieuseté de la Revue Gestion.

 

NOTES:

[1] Extrait du propos tenu par Emmanuel Faber, président-directeur général de Danone.

[2] Greg McKeown est l’auteur de l’ouvrage Essentialism: The Disciplined Pursuit of Less.

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