Les 6 étapes pour un processus de relève réussi
Une gracieuseté de
Au cours de mes 25 années de pratique, j’ai vu des entreprises fermer leur porte parce qu’elles n’avaient pas su établir un plan et une démarche de relève gagnante.
Le manque de structure, d’outils, d’expertise et l’improvisation sont des éléments qui, trop souvent, contribuent à l’échec du transfert de l’entreprise. Lorsque j’accompagne une entreprise dans son processus de relève, j’utilise une démarche en six étapes qui s’appuie sur les pratiques gagnantes en matière de transfert d’entreprise.
La démarche proposée pour un processus de relève réussi
Pour une petite ou une moyenne entreprise, je vous propose une gestion de la relève en six grandes étapes à suivre.
1. Se poser la question suivante : suis-je prêt à céder les opérations et l’actionnariat?
La question primordiale dans un processus de relève est de m’assurer que je suis prêt à lâcher prise, à lâcher le volant de mon entreprise. Michel Aubry, administrateur de sociétés, qui a accompagné de nombreuses entreprises dans leur processus de relève, soutient ceci : « Si le cédant ne lâche pas le volant, la relève ne pourra pas, à son tour, reprendre le volant. » For one to step up, one has to step down. En effet, il m’est déjà arrivé dans mon expérience d’accompagner des gens qui n’étaient pas réellement prêts à céder la gestion des opérations ou à léguer la propriété de leur entreprise. Ils désiraient continuer de gérer une partie des finances, ou même les opérations quotidiennes, alors que l’entreprise avait été cédée. Toutefois, ce genre de situation est risqué. Le cédant se doit à un certain moment de lâcher prise, et surtout d’accepter que l’entreprise puisse fonctionner sans lui!
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2. Identifier les talents requis pour garantir la pérennité de l’entreprise
En tant que cédant, je dois me demander ce dont l’entreprise a besoin pour réaliser son orientation et son plan stratégique dans une optique de pérennité. Je dois également me poser les bonnes questions afin d’identifier les talents nécessaires qui assureront la continuité de ce que j’ai bâti. Les besoins ne seront pas les mêmes selon le stade de développement de l’entreprise, selon la situation du marché et selon son type de mission (service, distribution, production manufacturière, etc.). Il importe également de reconnaître que les talents requis maintenant sont peut-être bien différents de ceux qui l’étaient lorsque j’ai démarré l’entreprise. En effet, les talents nécessaires varient selon le stade de développement de l’entreprise (démarrage, redressement, croissance, IPO, etc.). Cet exercice devrait être effectué dans une démarche structurée en faisant participer le cédant et les repreneurs, car il importe que la relève ait son mot à dire. Après tout, c’est cette dernière qui construira l’avenir, et non pas le cédant!
3. Évaluer les talents actuels
Pour s’assurer que les leaders opérationnels seront les plus aptes à contribuer à la relève de l’entreprise, il faut apprécier le potentiel des différentes ressources en place, ce que nous appelons la valeur de contribution. Il faut ainsi se demander si les « bons talents sont à la bonne place ». Dans un contexte de relève familiale, cette étape est l’une des plus complexes, car il arrive qu’après avoir évalué les enfants, aucun n’ait le potentiel de gérer l’entreprise à la place du père ou de la mère. Ou encore qu’un seul possède l’expérience pertinente, mais que les autres s’y opposent. Il devient critique d’avoir un processus en place qui facilite et concilie les échanges entre les besoins de l’entreprise et ceux de la famille, et surtout de s’assurer de maximiser l’adéquation entre les talents et les postes clés de l’entreprise (job fit). Dans l’optique où des ressources externes sont considérées, il est primordial d’apprécier également l’adéquation culturelle (culture fit), c’est-à-dire l’adéquation entre les valeurs que véhiculent des candidats aspirants et les valeurs organisationnelles. J’ai souvent constaté que des repreneurs recrutés à l’externe, qui semblent avoir les « bons profils de l’emploi » ont échoué dans leur intégration à l’entreprise en raison d’écarts importants sur le plan des valeurs clés. À cette étape, il est également crucial d’être accompagné par un facilitateur externe tel un psychologue d’affaires, car cette personne n’aura pas les mêmes engagements émotifs, et pourra faire preuve d’objectivité en plus de recadrer les échanges sur les besoins et la pérennité de l’entreprise en tout temps. Elle pourra également vous appuyer en trouvant les ressources les plus adéquates pour les rôles que vous avez définis. Il se peut que des ressources externes soient également sélectionnées, afin de venir compléter votre équipe de relève. L’évaluation de la valeur de contribution, effectuée par un psychologue d’affaires, permet notamment d’assurer une complémentarité dans l’équipe et de veiller à l’adéquation des individus évalués avec vos valeurs organisationnelles, donc votre culture.
4. Définir les rôles et les responsabilités
Il sera important de valoriser le rôle du cédant, car il est parfois difficile pour la personne qui lègue son entreprise de relâcher les rênes. Il m’est parfois arrivé d’entendre des cédants dire : « La recette pour faire des profits, je la connais moi! » et de penser à tort que les repreneurs auront la même vision sur la façon de faire les choses (le comment). C’est pourquoi bien délimiter les nouveaux rôles et responsabilités de tous sera capital. Ainsi, les territoires et les dossiers de chacun seront bien définis et davantage respectés. Et la latitude décisionnelle qui revient au nouveau propriétaire sera plus grande, ce qui engendrera une meilleure transition. Je suis souvent invité dans des situations de relève familiale où, à cette étape, la guerre est prise par exemple entre le père cédant et ses deux fils repreneurs. Ces situations sont vécues très difficilement et risquent parfois de se transformer en cauchemar ou de dégénérer, en plus de mettre en péril l’intégrité de la famille si elles ne sont pas bien gérées. Il faut également bien distinguer le rôle des actionnaires de celui des leaders des opérations. Plus les rôles seront clairs et bien établis, moins il y aura d’ambiguïtés, de confusion et de conflits.
5. Élaborer la stratégie de financement et déterminer les étapes du transfert d’actions
À cette étape, il importera de bien élaborer la stratégie de financement à adopter pour assurer le transfert quant à la propriété de l’entreprise. À ce moment, le facilitateur externe est toujours disponible pour appuyer l’équipe professionnelle comptable, financière et juridique qui qui vous accompagne et veille à préparer la transaction.
6. Mettre en place le transfert lié aux opérations et à l’actionnariat
Une fois l’élaboration de la stratégie de financement déterminée, il vous faudra mettre en place votre plan de relève bâti à travers les étapes 1 à 5 décrites précédemment. En tant que psychologue d’affaires, j’accompagne mes clients en facilitant la communication entre les différents membres et mets à leur disposition des outils pratiques qui leur permettront de vivre cette transition avec succès. Un exemple d’outil permet de vérifier que les repreneurs connaissent bien leur rôle et qu’ils maîtrisent les compétences clés pour réaliser avec succès leur rôle. Dans le cas où ces derniers doivent développer certaines compétences qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement, un plan de développement sur mesure est élaboré, et l’accompagnement dans l’implantation de ce plan peut faire une différence importante dans le succès du transfert sur le plan des opérations. Le coaching est une stratégie facilitant le succès du transfert.
Les meilleures pratiques
Être accompagné par un psychologue d’affaires [ou d'un mentor du Réseau M!] ou un coach s’avère également un élément fort important, puisque la personne qui vous appuiera dans votre processus de relève pourra notamment :
- Accompagner le cédant dans ses questionnements et ses réflexions et le coacher surtout quand ce dernier est le père ou la mère des repreneurs.
- Être objectif et dire parfois des choses que les repreneurs n’osent pas dire!
- Dédramatiser les choses et les mettre en perspective, surtout en contexte de relève familiale où « l’amour familial est mélangé avec l’amour de l’entreprise ».
- Faciliter la communication entre le cédant, les repreneurs et les employés.
- Recadrer les situations (que ce soit sur le plan relationnel, opérationnel, familial ou financier).
- Évaluer les compétences des ressources disponibles (valeur de contribution) afin de s’assurer que leurs talents soient mis à contribution dans la bonne fonction.
- Mettre en place les plans de développement individuels et un exercice d’alignement d’équipe afin d’assurer le transfert et une relève optimale et ainsi de sécuriser la pérennité de l’entreprise.
- Expliquer et faire comprendre aux repreneurs certaines notions d’affaires auxquelles ils n’ont jamais été exposés, par exemple la façon d’évaluer la valeur d’une entreprise, la convention d’actionnaires, la notion de bâtir de l’équité, etc.).
L’importance de reconnaître et d’accepter les différences générationnelles
Ma pratique des 25 dernières années me force à constater qu’il existe quelques différences générationnelles, mais aussi plusieurs similitudes entre les cédants et les repreneurs. En effet, les profils des présidents se ressemblent généralement, dans le sens que certains traits seront similaires, tels que :
- La volonté et la fougue
- La capacité d’amener l’entreprise plus loin
- Le désir de créer de la valeur
- La vision globale
- Le goût du risque
- Le souhait de développer de nouvelles solutions, de nouvelles équipes
Toutefois, les défis générationnels ne seront plus les mêmes, car une entreprise qui appartenait jadis à une seule personne appartient désormais à une équipe. Les rôles parentaux ont changé et les propriétaires dirigeants doivent tenir compte du facteur familial en plus de gouverner leur entreprise, ce qui est différent pour les générations précédentes. C’est pourquoi en 2016 l’entreprise doit s’appuyer sur la complémentarité de l’équipe en place, et non plus sur une seule personne.