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Lorsque la flamme du travail vacille

Une gracieuseté de

 

Quel patron n’aimerait pas connaître la recette ultime et inaltérable qui mousserait la motivation de ses employés? Et les individus eux-mêmes, comment définissent-ils ce qui les stimule et les enthousiasme au travail? La motivation est un concept de gestion essentiel : voici quelques astuces pour raviver la flamme.

Alimentée par un ensemble de facteurs, la motivation fait référence aux efforts et à l’énergie investis pour atteindre un but. Au travail comme ailleurs, cette énergie sert à déclencher et à réguler les comportements, tout comme elle en détermine la durée et l’intensité. La motivation est entretenue par les intérêts, le plaisir à la tâche, les valeurs personnelles et le sens lié à ses activités, ainsi que par diverses pressions internes et externes, comme la rémunération.

«L’erreur de conception fréquente, c’est de croire que c’est la quantité de motivation qui est importante. C’est pourtant sur la qualité qu’il faut miser», affirme sans détour Jacques Forest, psychologue, conseiller en ressources humaines agréé et professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Selon la théorie de l’autodétermination, qui se penche sur la motivation humaine et qui distingue la motivation contrôlée (principalement basée sur la recherche de récompenses et l’évitement de punitions) de la motivation autonome (en lien avec les valeurs personnelles, le sens, l’utilité sociale et le plaisir inhérent à la tâche), c’est cette dernière qui génère une qualité motivationnelle garante d’une meilleure performance et d’un bien-être psychologique accru.

«Ce qui importe, c’est de se concentrer sur les trois besoins psychologiques essentiels sur lesquels repose la motivation autonome : l’autonomie, soit le contrôle de ses actions; la compétence, soit le fait de se sentir efficace et apte à effectuer ses tâches; l’affiliation sociale, soit le soutien et la connexion aux autres», résume Jacques Forest.

Et l’argent, dans tout cela? Parce qu’on le sait, la rémunération demeure le levier vers lequel on se tourne en premier lieu. «L’argent réduit les affects négatifs de la vie, il écarte les irritants. Mais il a relativement peu d’effet pour augmenter la joie et le sens au travail. Si vous buvez un onctueux latté à la citrouille, ça réduira un court instant le marasme du jour, mais ce n’est pas ce qui fera de votre journée un événement significatif.» Évidemment, la rémunération doit être juste et équitable, insiste le professeur : «C’est très important de s’en soucier suffisamment pour ne plus avoir à s’en soucier!»

La quête de sens

On ne peut parler de motivation au travail sans évoquer l’influence des bouleversements liés à la pandémie et qui ont affecté nombre d’individus. «Ce contexte perturbateur a complètement chamboulé l’ordre des priorités et nous vivons actuellement une réelle quête de sens. Au travail, mais pas seulement! C’est un questionnement sur le sens même de la vie», explique Christian Vandenberghe, titulaire de la Chaire en gestion de l’engagement et du rendement des employés et professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal. Ces remises en question ont une incidence sur le bien-être, sur le taux de roulement, sur la motivation des employés. D’ailleurs, le chercheur observe une baisse de l’engagement dans plusieurs organisations.

Pour raviver la flamme, il juge qu’un retour aux éléments fondamentaux intrinsèques devient indispensable. «Les organisations doivent mener une réflexion sur les valeurs profondes qu’elles veulent promouvoir afin de répondre à cette quête. Les employés recherchent un sens véritable à leur travail, des activités qui leur apportent un bien-être, certes, mais qui a également un impact social. Le leadership éthique et les valeurs qu’il porte, que ce soit par rapport au développement durable ou à l’économie sociale, sont une préoccupation majeure pour les employés.»

Plus que jamais, les employés, les citoyens, démontrent une sensibilité généralisée devant les contradictions qui existent entre le discours des dirigeants – et des politiciens – et les gestes concrets posés face aux enjeux de société. Devant le fossé qui s’élargit entre la parole et la réalité, la déception se transforme en cynisme. «Certaines organisations agissent devant cette crise de sens. Je pense, notamment, à l’entreprise française TotalEnergies qui a plafonné le prix des carburants, absorbant une partie des coûts grâce à une entente gouvernementale, un geste pour soutenir les Français devant l’inflation. Je pense aussi à LVMH, groupe de luxe français, qui a décidé d’accorder des primes exceptionnelles à ses employés, partageant ses bénéfices avec ceux qui sont les maîtres d’œuvre de leur succès. Cette démarche proactive et volontaire va au-delà du geste financier : c’est un message implicite pour reconnaître la contribution des employés», ajoute Christian Vandenberghe.

Le pouvoir de la perspective désintéressée

Pour aider à trouver un sens à son travail et cultiver une motivation de qualité, Jacques Forest suggère de miser sur ses forces. Pour les identifier clairement, il propose un outil gratuit développé par VIA Institute on Character, un questionnaire auquel 25 millions de personnes ont déjà répondu pour mieux comprendre leurs forces de caractère. «Le questionnaire décline les 24 forces qui représentent le meilleur de l’humanité. Une fois que l’on connaît bien ses forces, on peut les utiliser souvent, longtemps et intensément, et ainsi augmenter la qualité des orientations motivationnelles. Ce n’est pas une licorne qui lance un ballon d’amour, c’est scientifique. Je donne ce truc à chacune de mes formations, car indépendamment qu’on soit dans un creux de motivation ou non, cet exercice augmente les probabilités que ça aille encore mieux aujourd’hui et à long terme.» Quant à lui, il a rempli ce formulaire en 2004 et le post-it de ses résultats trône encore sur son ordinateur…

Pour sa part, Christian Vandenberghe y va d’un conseil pour renforcer la motivation, principalement chez la relève. À une époque où les gens changent souvent d’emploi, surtout les jeunes dont les attentes évoluent rapidement, les gestionnaires devraient prendre le temps d’écouter afin d’établir un alignement entre le potentiel de développement qu’offre l’organisation et les attentes de développement de carrière de l’individu. «Ce type de mentorat de carrière est une piste importante, même si cela implique que le superviseur qui donne des conseils à son employé peut voir celui-ci quitter l’entreprise dans quelques mois. Il faut donc se placer dans une perspective désintéressée. Cette attitude généreuse démontre à l’autre une préoccupation sincère pour son bien-être. Il y a le risque qu’il s'en aille pour mieux se développer ailleurs, mais il quitterait probablement l'entreprise s’il n’est plus motivé chez vous. Par ailleurs, sa loyauté sera certainement décuplée et il pourra jouer le rôle d’ambassadeur. Autant de bénéfices indirects pour l’organisation.

Auteure

Claudine Auger, journaliste

 

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