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La fin d'une dyade, des questionnements

Auteure : Carole Parent, co-chef mentore chez Sage Mentorat d'affaires

Lorsque votre mentoré vous indique par courriel qu’il souhaite mettre fin à la dyade bien qu’il mentionne avoir a bien progressé et apprécié les trois années qu’a duré la dyade, différentes impressions vous viennent à l’esprit. Vous vous demandez si vous avez bien rempli votre rôle de mentor, si lors de la dernière rencontre, la dyade a manqué de souffle ou encore peut-être que la dyade est arrivée à son terme tout naturellement.

Une chose est certaine, cela vous laisse sans voix, vos dernières rencontres ne laissaient pas présager un tel dénouement, avez-vous manqué de perspicacité ou d’écoute? Une rencontre avec les membres de ma cellule m’a été plus que salutaire. En mettant à profit leur grande expérience, ils m’ont posé des questions ouvrant d’autres perspectives. Étais-je trop attachée et cela ne me faisait voir que la fin d’une aventure mais pas que celle-ci était peut-être bien simplement arrivée à bon port. Il a également été question des limites à ne pas franchir ou peut être à franchir de temps à autre. 

L’amitié entre mentor/mentoré est-elle à proscrire? Ne peut-on pas prodiguer quelques conseils ici et là selon les situations et partager nos expériences? Peut-être que je voulais plus que lui en termes de développement d’entreprise ; est-ce que, bien malgré moi, je mettais trop de pression sur l‘entrepreneur en souhaitant le voir progresser, malgré moi ai-je induit une pression de mise en action trop forte?

J’ai bien peur que les réponses à ces questions soient multiples et dépendent des protagonistes. La conclusion est qu’en bout de course, l’important était la décision de continuer ou pas la dyade dans le meilleur intérêt de l’entrepreneur. Il me restait donc à explorer avec lui quel bilan il tirait de ces années d’échanges et ce qu’il entrevoyait pour la suite de son entreprise… et prendre mon courage à deux mains pour avoir un échange bien franc à cet égard, le plus simple demeurant la validation avec le mentoré afin d’éviter l’interprétation et les tergiversations malencontreuses. 

J’ai eu la chance que le mentoré avait une ouverture à me rencontrer une dernière fois pour faire le bilan avec moi. Lors de cette ultime rencontre devais-je à tout prix forcer la continuation de la dyade ou voir à mettre fin en beauté. Finalement, j’ai opté pour l’ouverture et la franchise avec comme objectif d’arriver à bien comprendre les motivations de l’entrepreneur de mettre fin à la dyade et voir au meilleur intérêt de l’entrepreneur. Peut-être lui rappeler la possibilité d’être accompagné par un autre mentor?

Dans le fond, je devais passer par-dessus le sentiment d’être inappropriée. Les échanges avec les membres de ma cellule m’ont rappelé que cela n’avait pas vraiment d’importance puisque ce qui compte est l’intérêt de l’entrepreneur. La posture mentorale serait plutôt de s’élever, se détacher des sentiments que suscitent la perspective de la fin de la dyade pour le mentor et se concentrer sur les intérêts de l’entrepreneur. 

Mise en contexte

Depuis 2015, je rencontre cet entrepreneur environ aux 3 à 4 semaines, l’objectif principal était le développement des affaires et l’augmentation du chiffre d'affaires. Il détestait avoir à se vendre, le développement des affaires était une torture. Nous avons exploré les motifs qui lui faisaient tant détester cette opération essentielle à tout succès d’entreprise. Un des éléments principaux était la timidité et une confiance mitigée en ses capacités de communication ; il ne savait pas quoi dire, quand le dire et à qui. 

Bilan de l’expérience mentorale fait par l’entrepreneur

L’entrepreneur est arrivé préparé : il avait listé des aspects qui avaient définitivement amélioré ses capacités tant au sein de son entreprise que dans sa vie de tous les jours. Voici les aspects qu’il a identifiés comme étant ses nouveaux acquis :

L’approche client :

  • Oser approcher les clients en se préparant;
  • Briser les appréhensions, « il n’y a pas mort d’homme », une approche en toute simplicité tout en étant bien préparé peut difficilement tourner à la catastrophe; 
  • Il a bien travaillé son elevator pitch en ressortant ses valeurs, sa vision, ses passions, le type de client qu’il souhaitait, notamment ceux qui lésinait sur le prix n’était peut-être pas des clients idéaux;
  • Bien comprendre la valeur ajoutée de son travail, développer une meilleure compréhension de la qualité de son apport à l’image du client;
  • Oser demander des informations : exemple la liste des participants à un événement, histoire de cibler les clients potentiels et améliorer les chances de succès de sa participation à un événement, réduire l’embarras en sachant qui sera présent et avoir eu le temps de préparer un discours adapté.

Prévoir des étapes pour réduire ses irritants qui font que le développement des affaires est vu comme stressant et peu attrayant. Oser dire la vérité, dédramatiser une situation, si on se sent intimidé, stressé, ne pas hésiter à le faire savoir à son interlocuteur cela a pour effet de réduire l’embarras. Comprendre que tout peut se dire, tout est dans la manière. Il a appelé directement des clients (« cold call ») ce qui lui paraissait impossible avant. 

La confiance :

La préparation et la réduction des irritants, favorise une attitude détendue, réduit la pression et confère un degré de confiance en ce qu’il est et ce qu’il fait. Ainsi il arrive à mieux se vendre (est en service) être plus efficace en prospection de nouveaux clients.

Ses qualités de gestionnaire :

Il a pu identifier ses avantages concurrentiels, notamment sa qualité d’écoute des besoins du client. Il lui est plus facile maintenant de dire non à un mauvais client qui ne paie pas bien ou qui demande trop de temps et d’énergie par rapport au chiffre d’affaire qu’il rapporte, sans ressentir de remords et bien comprendre les motivations qui lui font refuser un client (le faire pour les bonnes raisons).

Il arrive à systématiser ses travaux de prospection, sans se mettre une pression négative qui le paralyse plutôt que de le faire avancer. Il comprend qu’il peut réduire le nombre de client et plutôt favoriser la récurrence, ceux qui paient bien et à l’avance. Il a systématisé l’augmentation de ses tarifs, à chaque année et selon la difficulté du mandat.

Il a bien senti que je n’étais pas d’accord avec certains projets de développement, il a apprécié mon ouverture. Même si je ne semblais pas chaude à l’idée, il a trouvé que je l’ai tout de même aidé à réfléchir et à se faire une tête sur ces projets. 

Conclusion

Globalement il a pu développer une approche qui retire de la pression en allant vers l’authenticité, ce qui conduit à l’obtention de client avec qui il est facile d’établir une relation de confiance, agréable et fluide.

Nous avons exploré les motifs qui lui faisait tant détester cette opération essentielle à tout succès d’entreprise. Un des éléments principaux était la timidité et une confiance mitigée en ses capacités de communication ; il ne savait pas quoi dire, quand le dire et à qui.

Maintenant il est en mesure de saisir les opportunités, il a développé un discours de vente axé sur ses valeurs, ses avantages concurrentiels et ses services. Discours qui lui ressemble, qu’il peut livrer avec authenticité. Ainsi il recrute des clients avec qui il est plus facile de travailler et avec qui les échanges sont fluides. Il a augmenté la récurrence de ses contrats, il garde ses clients. Il est membre du conseil d’administration de la chambre de commerce de sa localité. Il participe à des activités de réseautage. Il a su se mettre en péril, oser afin de progresser ; le rêve de tout mentor. 

Il a intégré la notion de client qui paie bien et le juste prix. Il se fait maintenant payer d’avance, augmente ses tarifs au minimum une fois par année, charge un surplus pour des demandes en urgence, etc. De plus il cherche à assurer la récurrence, plusieurs services pour un même client, en sachant que le produit marketing qu’il livre à une durée de vie de 3 ans. J’ai en face de moi un entrepreneur plus sûr de lui, sure de la qualité de son travail et de sa valeur.

Ce qui l’a fasciné, même si parfois, il n’y avait pas de grandes questions au menu de nos échanges, il en est toujours sorti avec un plus de nos rencontres et « boosté ». Quant aux limites à ne pas franchir, je lui ai indiqué qu’étant très volubile, j’avais toujours peur de prendre trop de place lorsqu’il me demandait comment cela allait, cela dit, il a apprécié que je partage certaines expériences de travail, juste assez, ouf ! Il trouve important qu’un mentoré en sache un peu sur le mentor.

Pour ma part, ce mentoré a été pour moi un mentoré idéal, une personne généreuse qui mettait en œuvre les actions qui ressortaient de nos rencontres et qui osaient essayer des approches issues de nos échanges. 

Notre bilan, nous avons revu les objectifs établis en 2015 et il a considéré que cela était atteint. Il n’hésitera pas à recommander le mentorat ni à y revenir pour une autre étape de développement de son entreprise.

Je ressors de cette rencontre rassurée et confortée dans ma posture mentorale, bien entendu, il y a certainement place à amélioration ; bien que je lui aie demandé des pistes d’amélioration, il n’en avait pas à me suggérer. Je suis certaine que l’apport de mes collègues lors des formations et rencontres de cellules contribuent grandement à ce que j’arrive à mieux comprendre la posture mentorale. Je suis prête pour une autre belle aventure de mentorat.