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Agilité

Un vieux concept brûlant d'actualité

Une gracieuseté de

La méthode agile ne date pas d’hier, mais lors de moments d’incertitude, elle connaît un regain d’intérêt chez les gestionnaires et dirigeants d’entreprises. Qu’entend-on exactement par agilité organisationnelle?

Plus qu’une méthode, l’agilité organisationnelle est davantage un état d’esprit pour Nathalie Lemieux, professeure spécialisée en gestion du changement et directrice du Département d’organisation et ressources humaines de l’École des sciences de gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« C’est lorsqu’un gestionnaire utilise des démarches agiles, très axées sur des méthodes collaboratives et participatives qui permettent la souplesse et la réactivité assez rapide à court terme, avec une capacité d’adaptation », résume Mme Lemieux.

L’influence du développement de logiciels

On a commencé à parler de la méthode agile vers la fin des années 1990 aux États-Unis, avec la publication en 2001 du Manifeste pour le développement Agile de logiciels. Rédigé par 17 experts du développement d’applications , ce manifeste comprend 4 valeurs et 12 principes qui tournent autour de l’interaction entre les individus, de la collaboration avec les clients et de l’adaptation au changement. « Cette méthode vient avec un vocabulaire, comme travailler en sprints, donc sur des cycles courts suivis de périodes de rétroaction », précise Nathalie Lemieux.

Par contre, d’autres associent l’agilité aux années 1970. « C’est vrai qu’il y a eu à l’époque un début de réflexion, toujours dans le monde du développement de logiciels qui a toujours trouvé particulièrement important de consulter les utilisateurs et de travailler en équipes multifonctionnelles, reconnaît Mme Lemieux. Mais avant de retrouver la méthode agile utilisée sur une base plus fréquente dans les organisations, il a fallu attendre les années 1990. »

L’adoption de la méthode agile s’est aussi faite en réaction à la concurrence japonaise. « C’était dans un contexte de course à l’innovation, souligne la professeure. On recherchait de la flexibilité dans un monde où on voyait aussi une montée de la complexité. »

De la gestion de projet à la gestion d’équipe

Pour la chercheuse en gestion du changement, les grands éléments sur lesquels repose la méthode agile n’étaient toutefois pas nouveaux. « Déjà, dans les années 1930, 1950 et 1960, il y avait des chercheurs qui travaillaient sur des approches d’apprentissage expérientiel, sur des approches de qualité et sur des processus d’enquête pour aller chercher le pouls du terrain », énumère-t-elle.

Ainsi, si la méthode agile en gestion de projet, avec ses 12 principes, était nouvelle dans les années 1990, l’état d’esprit agile dans la gestion d’équipe, très axé sur l’importance de la collaboration et sur la contribution des parties prenantes, remonte à beaucoup plus longtemps. « Gérer en mode agile, c’est s’assurer que l’entreprise a une certaine capacité à changer, à collaborer, à inclure les parties prenantes et à favoriser l’adaptation au changement », expose Mme Lemieux.

Elle ajoute que le changement doit être expliqué afin qu’il soit compris par les employés, contrairement à un mode de gestion plus traditionnel où le changement est imposé du haut vers le bas. « Par contre, devenir agile ne signifie pas dire oui à tous les changements, nuance Mme Lemieux. Il doit y avoir une intention derrière et il doit être réaliste. Il faut aussi prioriser les innovations et aller de l’avant au bon moment. »

L’agilité ne vient pas tout régler

En cas de crise, les entreprises déjà agiles ont de bonnes chances d’avoir une longueur d’avance sur les autres. On pense entre autres aux entreprises qui permettaient déjà à leurs employés de faire du télétravail, qui géraient des équipes à distance et où la confiance envers les employés était grande.

Mais, même des entreprises très agiles peuvent rencontrer de grands défis en situation inconnue. Par exemple, si elles travaillaient beaucoup en équipes multidisciplinaires en présentiel et si elles allaient valider sur le terrain le travail réalisé en rencontrant les utilisateurs et partenaires. « Il y a beaucoup de subtilités dans la communication non verbale, indique Nathalie Lemieux. Comment faire pour les capter à distance? Il y a donc quand même une grande adaptation à faire pour les organisations agiles habituées à travailler en présentiel. »

Trouver un équilibre

Avec sa tendance à favoriser le travail d’équipe, la confiance les uns envers les autres et l’implication des parties prenantes pour construire des solutions, la méthode agile a tendance à amener une coopération qui est satisfaisante pour les différentes parties. « Plutôt que de dire que tout le monde gagne, on a tendance à dire que tout le monde est satisfait avec la gestion agile, soutient Nathalie Lemieux. On est moins dans la compétitivité, plus dans la coopération entre l’organisation, le gestionnaire, les employés, le client. »

Cependant, la professeure ne croit pas à la recette miracle. « Il n’y a pas une solution unique, prévient-elle. Je ne pense pas qu’une organisation devrait essayer d’être 100 % en mode agile. »

Elle est d’avis que des approches de gestion plus traditionnelles peuvent aussi être pertinentes aujourd’hui. « Une organisation peut décider par exemple d’adopter des méthodes de gestion plus traditionnelles pour assurer une certaine stabilité dans certains secteurs, puis choisir la méthode agile pour réaliser un projet qui vise à améliorer la satisfaction de la clientèle, explique Nathalie Lemieux. Il faut trouver un équilibre, et c’est une force de la direction d’une organisation de pouvoir combiner différentes approches selon le contexte. »

Chose certaine, en période d’incertitude, personne ne sait vraiment à quoi l’avenir ressemblera. « Les changements seront assez fréquents et complexes, affirme Mme Lemieux. À mon avis, les grands principes agiles tels que la coopération, l’adaptation à des changements qui ont du sens et l’importance d’anticiper ce qui s’en vient resteront incontournables. Ces éléments ont toujours été importants, mais ils le seront encore plus dans les prochaines années. »

 

Écrit par Martine Letarte, journaliste indépendante, Revue Gestion.

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