Sylvie Percy : propulser une entreprise vers le succès à 50 ans
Sylvie Percy s’est lancée en affaires à 51 ans en reprenant une PME fondée il y a plus de quarante ans. Et elle connaît un énorme succès après l’avoir transformée.
Ce billet est produit dans le cadre du lancement de l’Indice entrepreneurial québécois 2019 : Entreprendre à travers les générations. À l’occasion du lancement, le Réseau Mentorat a réuni un panel d’invités auquel a participé notamment Sylvie Percy.
« Je n’ai jamais eu peur de me lancer en affaires au début de la cinquantaine », explique Sylvie Percy, présidente de Besco Spécialistes en solutions électriques. Cette PME distribue des produits électriques à partir de la moyenne tension (25 kV) pour des manufacturiers d’équipements de transformateurs, de panneaux de commutation électrique, d’automatisation, de variation de vitesse, de pompes à feu et de produits d’ingénierie. Besco a aussi comme clients des fabricants de panneaux de contrôle sur mesure, des compagnies de pompes, de ventilation, de génératrices et des industries ayant des contrôles moteurs. Elle dessert autant des PME que des multinationales.
Comment en est-elle arrivée à acheter une entreprise? « Je travaillais pour une multinationale de produits électriques, dit-elle. J’étais rendue à un carrefour. Je n’avais plus la motivation pour continuer, plus de défi à relever, je ne m’accomplissais plus et je ne me voyais pas y terminer ma carrière. Soit je me lançais en affaires à partir de zéro, soit j’achetais une entreprise existante. En 2015, j’ai regardé les occasions d’affaires disponibles sur le marché et j’ai vu cette belle PME familiale fondée en 1976. »
L’entreprise était très attrayante : « Ils étaient distributeurs autorisés et partenaires de marques de renom dans notre industrie, comme ABB, Eaton, Tendwick, GE, dit-elle. En achetant Besco, j’avais pignon sur rue, une bonne réputation et une clientèle établie depuis des années. J’ai donc fait le saut. »
Nouveau modèle d’affaires
Quand elle s’installe aux commandes, l’entreprise fonctionnait de la même façon depuis des lustres. Mme Percy constate une certaine stagnation. « Ils se contentaient de prendre des commandes, dit-elle. L’entreprise ne fonctionnait qu’en mode transactionnel. Ils transigeaient encore au fax. Ils n’avaient réalisé aucun investissement depuis des années. Il y avait du laisser-aller dans le support à la clientèle. Or, je suis connue pour offrir un service impeccable. »
Sylvie Percy impose rapidement un nouveau modèle d’affaires, en greffant des ingénieurs à l’équipe, rattachés au service des ventes. « On a poussé l’entreprise à un autre niveau : on monte des projets avec nos clients, on les appuie à toutes les étapes de la conception, dit-elle. Certains de nos clients nous appellent parce qu’ils ne veulent pas faire affaire avec des firmes de génie-conseil. J’ai donc embauché des techniciens et des spécialistes pour leur proposer des solutions. »
La nouvelle approche fait mouche : en deux ans, le chiffre d’affaires et le personnel a doublé.
« Au bout de cinq ans, mon banquier m’a félicité, dit-elle. J’ai pris ça comme une bonne note sur mon bulletin. Même avec la Covid-19, on n’a jamais arrêté, même confinés! Quelques jours après que le gouvernement a mis le Québec sur pause, il a reconnu un de mes clients comme étant un service essentiel. On a donc eu la permission de rouvrir. Tous nos employés sont à l’œuvre. On va passer au travers, je ne suis même pas inquiète. »
Pas si simple
Quand elle achète l’entreprise, les fondateurs partent à la retraite. La contrôleuse et la commis-comptable, filles du couple fondateur, plient bagage en 48 heures, même si la nouvelle propriétaire leur a offert de conserver leurs postes. « J’ai demandé immédiatement à ma sœur aînée, une banquière à la retraite, d’occuper temporairement le poste de contrôleur. Aujourd’hui, je ne signe même plus les chèques, car ça me stressait, surtout quand les montants étaient gros… »
Son autre sœur lui donne aussi un coup de main à la comptabilité. Elle a aussi embauché sa nièce. Et son propre conjoint, jeune retraité, a été promu directeur des opérations. « Même ma mère vient travailler chaque semaine, dit-elle. Ma famille a mis l’épaule à la roue, j’en suis très reconnaissante même si, au début, j’ai dû piler sur mon orgueil et demander de l’aide. Aujourd’hui, ça marche bien et c’est très agréable. Au début, ce devait être transitoire, mais ils ne veulent plus partir! »
Elle demande notamment à son frère, un ancien répartiteur chez Urgence Santé, de prendre en main la livraison, une activité stratégique. Ce dernier achète un plus gros camion avec monte-charge et offre le service à certains clients de l’entreprise, insatisfaits de leurs fournisseurs. Ça fonctionne tellement bien qu’ils lancent une nouvelle entreprise de transport personnalisé : « C’est comme de l’économie circulaire, explique Mme Percy. On livre les produits de nos clients qui sont souvent aussi les miens. Nos clients nous donnent du travail et on leur rend service en retour. »
L’importance de l’expérience
Sylvie Percy attribue à son expérience de quinquagénaire cette série de décisions qui ont amené l’entreprise à un autre niveau. « Une personne de 22 ans n’aurait pas pu transformer l’entreprise comme je l’ai fait, d’autant plus que, dans mon industrie, tout est très politique. Les gros compétiteurs en mènent très large. On se fait souvent dire non. »
D’autant plus qu’elle avait tout un bagage de connaissances avant de faire le saut de l’entrepreneuriat : « Quand un client me demande quelque chose, je sais ce qui va fonctionner ou non, dit-elle. Mes décisions sont basées sur des faits et des données acquises au fil des ans. Je sais quel avantage procurer au client pour que ce dernier soit satisfait, mais tout en préservant ma marge de profit sur chaque commande. »
Elle considère que, dans certains cas, les jeunes doivent faire leurs classes, travailler dans des PME ou des multinationales, apprendre avant de se lancer en affaires. « Les gens qui ont de la maturité savent calculer plus adéquatement, jauger le risque avec plus de précision, dit-elle. De plus, les banquiers écoutent davantage une personne qui a de la maturité, qui connaît son industrie. Le mien sait que mes chiffres et mon plan d’affaires sont réalistes. »
Elle adore son statut d’entrepreneure : « En affaires, on est conscient de notre valeur sur le marché et on en bénéficie personnellement. Quand on travaille pour quelqu’un d’autre, on est juste un numéro. »
Sylvie Percy insiste sur l’importance de la vente : « Tu as beau avoir le meilleur produit, si tu n’es pas capable de le vendre, tu ne vas nulle part, dit-elle. En fait, tu dois savoir vendre, vendre ton équipe, vendre ton produit, vendre, vendre, vendre. »
Une collaboration de Stéphane Desjardins