Serge Beauchemin : trouver l'équilibre entre raison, émotion et tripes
On connaît tous plus ou moins le parcours de Serge Beauchemin, l'un des «dragons» de l'émission radio-canadienne. Élevé dans une famille pauvre, sa mère, abandonnée par son mari, peine à l'élever. À l'âge de 19 ans, il commence à travailler comme vendeur, d'abord chez Future Byte pendant deux ans, puis chez ComputerLand, pendant un an. Il cofonde, en 1987, 3-Soft, qui lui méritera plusieurs prix, dont Top Under 40 en 2000. L'entreprise est vendue à la torontoise Softchoice en 2005.
La piqûre de l'entrepreneuriat ne le lâche pas. Après la vente de 3-Soft, il cofondera et présidera plusieurs entreprises, dont Noxent, Conixio ou encore K3 Média. En décembre 2015, Serge Beauchemin devient partenaire de l'agence de contenu Toast Studio. C'est dans les bureaux de Toast que nous avons rencontré le «dragon». Toujours passionné par l'entrepreneuriat, il est devenu mentor au Réseau M de la Fondation de l'entrepreneurship et ange chez Anges Québec, car, dit-il, il ne trouve rien de plus stimulant de voir une petite entreprise mettre à profit les années d'expérience qu'il a accumulé.
«Partager son expérience est gratifiant et rassurant, lance-t-il. Les jeunes vont en profiter pour éviter les erreurs. C'est très glorifiant et stimulant de voir autant de jeunes passer par le mentorat.» La personne doit être visionnaire, enchaîne-t-il. Elle doit identifier les besoins émergents, les mouvements de marché. Évidemment, elle doit croire à son projet.» Et l'entrepreneur doit être ouvert aux pistes que lui suggère son mentor.
Qu'apporte Serge Beauchemin à ses entrepreneurs mentorés? «À réfléchir, répond-il. Je permets à la personne de se regarder, de l'aider à voir où mettre ou enlever ses émotions.» À ses yeux, trois éléments doivent être pris en compte par tout entrepreneur : la raison, l'émotion et les tripes et il aide ses protégés à faire la distinction entre les trois. Avoir un mentor qui vient «challenger» le jeune entrepreneur s'avère bénéfique, estime-t-il. Il aurait aimé vivre cette expérience lorsqu'il s'est lancé en affaires, même s'il a eu un mentor accidentel, selon son expression, qui lui a appris la rigueur. D'ailleurs, la rigueur doit être de mise dans la relation formelle entre le mentor et son mentoré. Quand il rencontre ses mentorés, il établit une relation formelle.
«Avec le Réseau M, il ne s'agit pas de faire du transfert de connaissance, explique Serge Beauchemin, mais plutôt d'aider à réfléchir dans la prise de décision.» Les femmes entrepreneures, avance-t-il, vivent plus dans l'émotion, elles suivent leur intuition davantage que les hommes et son travail est de les ramener dans le schéma de décision. «L'intuition, c'est excellent pour gérer les humains, mais pas les chiffres, estime-t-il. Par contre, les hommes n'ont pas assez d'intuition et se fient davantage sur les chiffres, d'où l'importance d'un mentor, qui permet de prendre du recul devant les trois facettes.
Développer une marque avec Bastien Poulain
Au printemps 2015, Bastien Poulain, un jeune entrepreneur français se présente à l'émission «Dans l'oeil du dragon». Il convainc trois dragons, Alexandre Taillefer, Martin-Luc Archambault et Serge Beauchemin, d'investir 100 000 $ en tout pour 30 % des parts de son entreprise de boisson gazeuse faite à Montréal, 1642 Cola. Par la suite, Serge Beauchemin a choisi de l'accompagner dans son développement. Il parle de ce projet avec un sourire.
«Bastien est débordé, raconte-t-il. Il court partout et moi, je le force à s'arrêter et je lui pose des questions. Je le ramène au pratico-pratique. Diriger une entreprise en démarrage, c'est comme piloter un avion : il ne faut pas juste regarder les cadrans, sinon on ne va nulle part. Il faut communiquer avec la tour de contrôle, avoir une vision de la destination, comprendre les rapports de performance. On doit savoir piloter aux instruments, mais aussi être capable de voler à vue. Moi, je dis à Bastien : “Lâche l'horizon et vérifie tes chiffres. Lâche tes chiffres et checke tes employés et tes compétiteurs.” Je mets au défi toutes ses décisions. J'aime comprendre, donc je creuse. Le grand défi de 1642 Cola est de créer une marque avec peu de moyens, de positionner un produit très haut de gamme, qui se vend à plus de 2,25 $ la bouteille, alors que les autres boissons gazeuses se vendent à 60 cents. Son produit est fait ici, avec des produits d'ici et un souci de la qualité et du respect de l'environnement.»
Auteur: Sophie Bernard