Pour une dyade réussie
Auteur : Paul Ouellet, mentor et responsable du Mentorat Coop./OBNL au Réseau M.
La réussite d'une dyade dépend avant tout du mentor, mais elle ne repose pas uniquement entre ses mains. L'entrepreneur mentoré porte aussi une part de responsabilité.
L'engagement, l'assiduité, la transparence, une attitude positive et la curiosité de la personne mentorée sont autant de qualités qui favorisent une dyade réussie.
De mon expérience de mentor et de la lecture de la recherche de Étienne Jean et Stéphanie Mitrano-Méda publiée dans la Médiathèque du Réseau M, je retiens trois facteurs importants de réussite qui appartiennent en propre au mentor : la valeur symbolique du mentor, son utilité pour la personne mentorée et le développement de ses capacités relationnelles.
1- La valeur symbolique du mentor
Lors d'une conversation avec Pierre-Paul Gingras à propos de son livre Rencontre avec un mentor, celui-ci affirmait que le fondement d'une dyade repose sur la confiance, une confiance réciproque que le mentor et la personne mentorée s'accordent mutuellement. Et cette confiance doit s'établir très rapidement dès les toutes premières rencontres. Comme dans toutes relations humaines, la première impression est capitale. De là, l'importance pour le mentor de savoir humblement présenter son parcours professionnel et mentoral et démontrer son intérêt pour la personne mentorée ainsi que sa curiosité pour savoir ce que la personne attend de sa dyade.
Le premier élément sur lequel se construit la confiance, c'est la figure symbolique que représente le mentor. Celui-ci ou celle-ci doit représenter une figure de réussite, de compétence, d'expérience ou de sagesse. Intuitivement, le mentoré doit percevoir le mentor comme un modèle. Pour garder ce statut, le mentor devra se montrer à la hauteur tout au long de la durée de la dyade. Ce déclic de reconnaissance ne demande pas un flot de paroles et des " je-me-moi" à répétition.
Le jumelage du départ constitue le moment clé pour faciliter cette reconnaissance de modèle par la personne mentorée. L'expérience démontre clairement qu'il n'est pas absolument nécessaire que mentor et mentoré partagent une expertise sectorielle identique. Il est cependant important de tenir compte de certains points communs. Un entrepreneur qui développe sur le marché local ou régional aura des attentes différentes d'un entrepreneur de niveau national et international. Un entrepreneur de secteurs très spécialisés, comme une Start-up en intelligence artificielle ou un entrepreneur spécialisé en acquisition et transfert d'entreprises s’attend à ce que son mentor représente pour lui une figure symbolique de réussite et de compétence à ce niveau, soit pour y avoir œuvré et réussi lui-même soit pour avoir développé au fil des ans une expérience pointue de mentor en ce domaine.
2- L'utilité pour la personne mentorée
Ce deuxième facteur de succès est plus évident. Une dyade ne durera pas si la personne mentorée n'y trouve aucune utilité.
Le premier moyen à privilégier par le ou la mentor/e est sans contredit : l'accompagnement d'une heure trente à deux heures aux quatre à cinq semaines. L'écoute attentive, le questionnement qui fait avancer la réflexion, le bouclage en fin de rencontre, autant de moyens à utiliser avec habiletés pour se rendre utile. Voilà pourquoi il est si important de demander à la personne mentorée d’indiquer ce que lui rapporte chacune des rencontres. Des rencontres régulières aux quatre ou cinq semaines, du moins pour les premières années, peuvent grandement faciliter la construction de ce constat d'utilité et renforcer la confiance mutuelle. Il appartient aussi au mentor de savoir faire rebondir une dyade en gardant en réserve des sujets à aborder avec son ou sa mentorée, des sujets que le mentoré a déjà soulevés brièvement ou qu’il ne soupçonne même pas.
Le mentor doit être un éclaireur qui ouvre de nouveaux chemins inconnus du mentoré : voir plus haut, voir plus loin, prendre du recul, …
D'autres moyens complémentaires s'ajoutent au fil des rencontres : un courriel d'appréciation, un article transmis au bon moment sur un sujet discuté, une invitation à une activité de formation, des contacts dans le réseau d'affaires du mentor, une disponibilité dans le temps.
La perception d'utilité doit être plus grande chez la personne mentorée que la demande d'énergie et d'efforts requis pour rester fidèle à sa dyade.
3- Le développement des capacités relationnels et "éducatives" du mentor
L'étude Jean et Mitrano-Méda conclut sans l'ombre d'un doute à la nécessité absolue de la formation et du perfectionnement pour réussir comme mentor.
La réussite, même extraordinaire, d'un entrepreneur ne garantit en rien que cet entrepreneur peut être considéré comme un mentor efficace.
Devenir un bon mentor nécessite des compétences relationnelles et quelques outils de base pour être en mesure de développer les talents de la personne mentorée. Il ne s'agit pas de lui dire comment diriger son entreprise mais de l'aider à apprendre à diriger son entreprise. Aider à apprendre, c'est faire de l'éducation. Et à moins de se prendre pour un autre, lorsque nous n'avons jamais fait cela, un effort de formation et de perfectionnement est absolument requis.
La personne mentorée doit absolument conserver son autonomie décisionnelle et apprendre à trouver des solutions par elle-même. Le mentor amène le mentoré à acquérir des apprentissages de savoir-faire plus productifs et de meilleure qualité. Il ne peut non plus éviter d'inviter la personne mentorée à améliorer son savoir : propositions de lectures, de formation, de séminaires, etc. Enfin, il doit s'intéresser aux valeurs, émotions et réflexions personnelles de la personne mentorée. Nous sommes loin du : "Moi, à ta place, je ferais cela !" ou du "Moi, j'ai déjà vécu cela, et voici ce j'ai fait." ou "Ton affaire, ça ne marche pas du tout !. Voici ce que tu dois faire !"
L'étude Jean et Mitrano-Méda conclut que le perfectionnent des mentors est la meilleure garantie de dyades réussies. Prétendre vouloir développer les talents d'un entrepreneur exige de partager entre mentors les meilleures façons de faire, les meilleures attitudes et les meilleures pratiques.
Le mentorat pour entrepreneurs existe parce que nous croyons qu'un entrepreneur peut se développer et s'améliorer constamment. Il serait plutôt bizarre de penser que le mentorat est inné et ne demande ni formation ni perfectionnement.