Jessica Joyal et Guy Michaud se font plaisir comme mentors
Jessica Joyal et Guy Michaud accumulent des décennies d’expérience comme entrepreneurs. Et ils apprécient tout particulièrement leur statut de mentors.
Donner au suivant
Depuis un quart de siècle, Jessica Joyal dirige une firme de chasseurs de têtes. Le mentorat, à ses yeux, « c’est comme donner au suivant. Ça fait toujours du bien. »
Mme Joyal se considère prédestinée à être mentore. « Je suis dans les RH, j’ai étudié en criminologie, dit-elle. Après mes études, je voulais me consacrer à la réinsertion sociale des ex-prisonniers. J’aime aider les gens, j’apprécie qu’ils prennent les meilleurs chemins pour atteindre leurs objectifs. »
La femme d’affaires planifie actuellement son retrait du monde des affaires. Elle estime avoir encore sept ou huit ans de vie active devant elle. Elle cherche une relève. En parallèle, elle considère qu’elle a tout le bagage qu’il faut pour accompagner de jeunes entrepreneurs.
« Je veux partager, dit-elle. J’ai vécu assez de choses dans ma vie d’entrepreneure pour savoir que, quand tu es en affaires, tu passes par des étapes que tout entrepreneur traversera forcément. Tout est affaire de préparation. Et une bonne part est mentale. »
Elle considère que le fait d’avoir mené beaucoup de recrutement dans sa carrière lui permet de valider les forces et les aptitudes des gens. C’est un avantage comme mentore.
« On ne se le cachera pas, être mentore, ça me donne de la reconnaissance, ça me fait du bien, dit-elle. C’est un processus qui constitue une sorte de réflexion à haute voix sur les réalités d’être entrepreneur. Quand on rencontre un mentor, on partage ce qu’on vit avec quelqu’un qui a de l’expérience, du vécu. Ça permet de mieux se positionner soi-même, de faire de meilleurs choix. Et j’apprécie côtoyer des jeunes. Ils ont la fibre entrepreneuriale, ils sont enthousiastes. »
Pas que les jeunes
Jessica Joyal ajoute que le statut de mentoré n’attire pas que des jeunes. Au fil des ans, elle côtoie beaucoup de personnes d’expérience dans leur carrière. Certaines perdent leur emploi et se lancent à leur compte. C’est naturel que de se remettre en question. Mais quand on passe à l’action, on bascule dans une réalité qui n’a rien à voir avec le statut de salarié. Être entrepreneur, c’est vivre constamment des montagnes russes émotionnelles. C’est dans ce contexte que la présence d’un mentor prend tout son sens.
« On n’est pas là pour donner notre opinion ou dire quoi faire, reprend-elle. Notre rôle, c’est d’écouter. Je sais de quoi je parle : je me suis lancée en affaires à 50 ans, après avoir occupé différents postes au sein de plusieurs entreprises. Je considère qu’avec un tel bagage, j’ai une bonne écoute, et pas juste pour les jeunes entrepreneurs. Je comprends ce que c’est d’être en affaires, à tout âge. »
De nombreux entrepreneurs sont coincés dans une réalité que de nombreuses personnes en affaires connaissent trop bien : leur conjoint est salarié. Leur entourage est composé de personnes insécures. « J’ai connu cela, dit-elle. C’est alors impossible de se confier à nos proches. Ils vont tout faire pour freiner nos ambitions. Vaut mieux ventiler avec un mentor. Et c’est ce qui m’intéresse le plus : que mes mentorés me parlent de leurs émotions. Bien davantage que le nombre de leurs employés ou leur chiffre d’affaires. C’est bien plus enrichissant pour moi de savoir qu’ils se sentent sur leur X, qu’ils mènent les bons questionnements pour cheminer dans leur vie et leur carrière. »
Un besoin fondamental
Guy Michaud fait du bénévolat depuis plus de 40 ans. Pour lui, c’est fondamental de partager ses expériences d’entrepreneuriat avec d’autres personnes.
Guy Michaud est moins connu que la compagnie qu’il a fondée il y a deux décennies : Genacol. Vendu dans 40 pays, Genacol est le produit santé le plus vendu au Québec. Depuis trois ans, les fils de M. Michaud ont pris la relève. Nouveau retraité, il est aujourd’hui mentor bénévole. Et il aime ça!
« Je fais du mentorat depuis des années, dit-il. Comme mentor, c’est une expérience exceptionnelle et très enrichissante. C’est fascinant d’entendre ces belles histoires d’entrepreneurs de la part de mes mentorés. »
Pour M. Michaud, le mentorat n’est pas unidirectionnel. C’est avant tout un échange. « Pour moi, c’est 80% d’écoute et 20% de discussion, dit-il. C’est un privilège que des personnes s’ouvrent ainsi pour parler de leurs défis, de leurs projets, leur vision, leur mission, leur entreprise. Ce sont de très beaux moments dans ma vie. »
Comme il est retraité, Guy Michaud considère qu’il a davantage de temps à consacrer à ses mentorés. Et moins de stress. « J’ai plus de temps d’écoute et je considère que c’est du temps de qualité, dit-il. J’apprends clairement un tas de choses. Ce sont des découvertes fascinantes, des visions différentes qui m’enrichissent. »
Des réalités nouvelles
« J’ai le privilège d’avoir plusieurs mentorées, ajoute-t-il. Je vois comment les femmes entrepreneures se débrouillent en affaires et dans leur vie. Comment elles voient leurs défis personnels. J’apprends à mieux connaître cet aspect de la condition humaine. C’est passionnant de comparer leur façon de voir avec la mienne. »
À l’évidence, l’approche des femmes diffère de celle des hommes, décrit-il. Elles gèrent différemment leurs défis personnels, familiaux, professionnels. Il est fasciné de voir comment elles passent au travers de tout ça. Et de constater qu’il existe encore beaucoup de discrimination liée au genre.
« Comme mentor, on réalise qu’on avait notre manière de gérer quand on était en affaires, reprend-il. Et elle diffère souvent beaucoup de l’approche de nos mentorés. Chacun mène sa barque différemment. Comme mentor, il faut l’accepter, avoir une certaine ouverture d’esprit. » Le jeu en vaut largement la chandelle, selon lui.
D’autant plus que les mentorés confient des secrets qu’ils ne partagent pas avec leurs proches. « Ils vident des éléments de leur vie qu’ils ne peuvent aborder avec qui que ce soit, dit-il. J’entends souvent cette phrase : ‘‘Ça fait du bien d’en parler’’. Cette sincérité vient souvent me toucher personnellement. »
Une expérience à part
À ceux qui hésitent à se lancer dans l’aventure du mentorat, Guy Michaud conseille de faire le saut. « J’ai discuté avec plusieurs retraités des affaires, dit-il. Je leur ai mentionné que, comme entrepreneurs, ils ont vécu des expériences et appris des tas de choses. Il ne faut pas que ces acquis soient perdus. »
Il ajoute qu’à un certain moment de son cheminement comme entrepreneur, il aurait drôlement aimé bénéficier d’un mentor. Mais, dans les années 1980, c’était peu courant.
Pour lui, une relation mentorale, c’est gagnant-gagnant pour le mentoré et son mentor. « En ce qui me concerne, c’est presque du mentorat inversé, dit-il. On s’ouvre à connaître de nouvelles choses que juste notre réalité du monde des affaires, que notre façon de faire. Des fois, je me demande même qui est le mentor! »
Pour Guy Michaud, le mentorat d’affaires souffre encore de certains préjugés chez les entrepreneurs d’expérience. Comme si les mentorés n’ont que des problèmes. Dans la réalité, ils partagent surtout des projets excitants.
« Et, pour ma part, je déteste le mot problème, dit-il. J’aime mieux parler de défis. Certains sont plus difficiles que d’autres, mais les projets professionnels et personnels de mes mentorés sont tellement attrayants que ça rend l’exercice enrichissant. »
Évidemment, le statut de mentor a ses défis. Comme un mentor n’est pas un coach. « Mon rôle, c’est de faire réfléchir. Un mentor ne donne pas de recettes, même si ça me tente drôlement par moments! »
Guy Michaud considère que n’importe quel entrepreneur d’expérience peut devenir mentor. Pas besoin d’être une vedette du monde des affaires. Une bonne capacité d’écoute, une propension à aimer les bonnes histoires, de l’expérience à revendre suffisent.
Un article signé Stéphane Desjardins