Frank Béraud : la passion des sciences de la vie
Frank Béraud a créé Biosuccès il y a une décennie. Il parle avec passion de ce réseau de mentorat dédié au secteur québécois des sciences de la vie et des technologies de la santé, qui est aussi la première cellule sectorielle du Réseau Mentorat.
Mais pourquoi s’être lancé dans une telle aventure? « Nous avions questionné les entrepreneurs de ce secteur économique et ils avaient clairement besoin d’accompagnement, répond-il. Mais pas nécessairement des formes d’accompagnement traditionnelles comme le coaching ou la consultation. Ils voulaient partager avec des entrepreneurs d’expérience, issus de l’industrie et qui connaissaient intimement le secteur. »
Frank Béraud travaillait alors pour Montréal InVivo, un organisme qui représente la grappe industrielle des sciences de la vie et des technologies de la santé du grand Montréal. Il y a œuvré comme directeur de projet et en fut le PDG pendant sept ans. « Je m’occupais du volet entreprise, relate-t-il. Dans cette industrie, les entrepreneurs ont tous une formation scientifique ou technique. Mais ils n’ont pas nécessairement appris à gérer une entreprise. »
Il a naturellement créé un réseau de mentorat en sollicitant des chefs d’entreprises ou des hauts dirigeants qui sont intrapreneurs, tant à Montréal qu’à Québec, femmes et hommes, toujours en activité ou à la retraite. Certains mentors sont actifs depuis le lancement du réseau.
Le mentorat : un impact indéniable
Une démarche mentorale fait toute une différence auprès des mentorés, affirme Frank Béraud : « Ils ont quelqu’un de confiance avec qui discuter, qui va comprendre les enjeux, qui travaille sur leur confiance en eux-mêmes sur plusieurs plans, pas juste comme entrepreneur, dit-il. C’est une expérience qui les aide à prendre de meilleures décisions. Nos mentorés sont indéniablement de bons entrepreneurs, mais ils deviennent encore meilleurs! Le mentorat augmente leurs chances de réussir. Il permet aussi aux mentors de grandir. Et il renforce l’écosystème d’appui à l’entrepreneuriat dans le secteur des sciences de la vie. »
Qui sont ces mentorés sélectionnés par M. Béraud? La majorité dirige des entreprises en démarrage, de petites PME, surtout des biotechs, des medtechs et des entreprises spécialisées en TI ou en intelligence artificielle (IA) appliquées à la santé, ainsi que des PME de services de recherche contractuelle. Mais on observe une forte tendance vers les entreprises numériques en santé.
Les mentorés sont-ils heureux et satisfaits de leur expérience? Frank Béraud répond qu’ils poursuivent cette démarche généralement pendant plusieurs années. « Si ça ne faisait pas leur affaire, ça ne durerait pas, ajoute-t-il. Ça les allume drôlement sur certaines idées, ça clarifie toutes sortes de choses dans leur tête. Je suis mentor depuis longtemps et je le vois clairement : de jongler avec diverses options, quand on doit prendre des décisions, c’est plus facile quand on en discute avec un mentor. »
La démarche ne bénéficie pas qu’aux mentorés. « Les mentors me le disent tout le temps : ça les garde jeunes, dit-il. Dans notre secteur, les mentors sont généralement plus vieux que leurs mentorés et peuvent se sentir challengés, mais ils évoluent dans des domaines de pointe et aiment se tenir à jour. Ils sont curieux et allumés à leur tour. »
Dans une industrie où le principal enjeu est le financement, nombre d’entrepreneurs affirment que si on leur donnait assez d’argent, ça réglerait tous leurs problèmes. « Eh bien, non, ça ne marche pas comme ça, commente Frank Béraud. Par exemple, le secteur des TI connaît une forte pression salariale. Les talents ne manquent pas, malgré la crise de la main-d’œuvre, mais le secteur de la santé est attrayant pour les jeunes. Certains acceptent des salaires moins mirobolants parce que l’industrie correspond à leurs valeurs, mais les entrepreneurs doivent tout de même s’assurer qu’ils puissent les recruter! »
Dix ans de travail
En une décennie, Frank Béraud a appris que si chaque parcours entrepreneurial est une aventure vécue en solo, les besoins des entrepreneurs se rejoignent inévitablement.
« Ils sont souvent très seuls, constate-t-il. Le mentorat les sort de cet isolement. Avant, je ne voyais que l’image de l’entrepreneur fonceur, battant, gagnant. En fait, ils doutent constamment, ils ont leurs angoisses. C’est cela que j’ai le plus appris en m’impliquant dans le mentorat. »
Comme mentor, Frank Béraud confie que ses mentorés l’ont fait réfléchir sur des questions insoupçonnées. Par exemple : le syndrome de l’imposteur, vécu par nombre d’entrepreneurs, qui se surprennent de connaître le succès. Succès qui se paie parfois très cher. « Je ne suis pas un psy, mais, comme mentor, on joue quand même dans les émotions, on les départage, on fait réaliser tout le chemin parcouru. Les entrepreneurs n’ont pas forcément beaucoup d’occasions d’aborder ces questions dans leur vie. »
Propos recueillis par Stéphane Desjardins