Cimon Chapdelaine vise le mieux-être des familles
Cimon Chapdelaine, orthophoniste, a lancé le réseau de cliniques MultiSens en misant sur une formule originale de multidisciplinarité.
«Je me souviendrai toute ma vie quand j’ai ouvert ma première clinique, lance Cimon Chapdelaine. C’était le 16 juillet 2013. Ce jour-là naissait mon premier enfant!»
MultiSens, qu’il a fondée avec Christine Turgeon, répond ainsi à un modèle d’affaires très original d’offrir sous un même toit sept disciplines : psychoéducation et éducation spécialisée, neuropsychologie, psychologie, orthophonie, ergothérapie, audiologie et médiation familiale. Mais ce qui distingue MultiSens, c’est que l’entreprise ne s’apparente pas au modèle d’une clinique traditionnelle : «C’est davantage un lieu de pratique professionnelle proche d’un espace de coworking multidisciplinaire, où on vise le mieux-être de chacune des familles qui nous confient leurs proches, explique M. Chapdelaine. De notre côté, on s’assure de l’épanouissement professionnel de ceux qui viennent travailler chez nous, qui ont un statut de travailleur autonome.»
MultiSens emploie cinq personnes, mais en regroupe une quarantaine au sein de quatre cliniques, à Rosemère (qui est aussi le siège social), Montréal, Saint-Laurent, Lévis. «On offre un large éventail de services, poursuit-il. On couvre le spectre de la vie au complet de notre clientèle, majoritairement des enfants d’âge scolaire, des jeunes adultes et aussi des gens en perte d’autonomie ou en perte auditive due au vieillissement.»
MultiSens offre des services avec une trentaine de partenaires externes, notamment auprès d’écoles, de garderies, de CPE, de CISS, d’OBNL, d’organismes de réinsertion socioprofessionnelle et d’audioprothésistes. Signalons que l’audiologiste évalue et traite les besoins sur le plan de l’audition, alors que l’audioprothésiste est davantage tourné vers l’appareillage.
«En neuropsychologie, on accompagne la famille dès l’identification et le diagnostic du trouble du spectre de l’autisme; on offre aussi l’évaluation clinique, poursuit M. Chapdelaine. En médiation familiale, nous retenons les services d’une travailleuse sociale et médiatrice familiale accréditée.»
Dans la famille
Pourquoi Cimon Chapdelaine s’est-il lancé en affaires? «Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs généraux en construction, dit-il. J’avais déjà cette culture. Et mes parents ont été, en quelque sorte, mes premiers mentors.»
Il a eu une révélation pendant ses études collégiales, alors qu’il travaillait à la Société de l’autisme et des TED de Laval, où il a vécu une première expérience professionnelle de relation d’aide avec une clientèle à besoins particuliers. Il y a pris goût.
Alors qu’une de ses professeures avait lancé un service d’accompagnement pour étudiants en difficultés dans certaines matières (il y a participé comme tuteur en mathématiques différentielles et intégrales), Cimon Chapdelaine s’intéresse aux sciences et se destine à l’orthophonie. Malgré le contexte familial, il ne cherchait guère à se lancer en affaires : «J’avais l’expérience paternelle derrière la tête et je ne me destinais pas à ce genre de vie, dit-il. Mais je désirais quand même être autonome. J’ai donc choisi une carrière professionnelle.»
Au bout de trois années de pratique au CHU Sainte-Justine, il réalise que ça ne colle pas. Il étudie alors en administration des organisations de santé et travaille une année comme conseiller en gestion, toujours à Sainte-Justine, notamment à gérer le processus d’achat dans les fournitures. C’est suite à ça, en travaillant au sein d’une école secondaire spécialisée, qu’il mijote son projet d’affaires : «Je voulais donner le bon service, au bon moment, à des professionnels qui s’assureraient du mieux-être et des besoins de la population», dit-il. Il consacre un an à peaufiner son projet d’affaires. Entretemps, une connaissance lui présente alors sa future associée. Quelques mois plus tard, ils ouvraient leur première clinique.
L’importance du mentorat
«Comme orthophoniste, je suis formé pour accompagner une personne et ses proches, dit-il. Comme entrepreneur, j’accompagne plutôt les professionnels qui s’occupent des clients et de leurs familles. Mes clients, ce sont donc les professionnels. Ça m’a demandé tout un ajustement. Le mentorat s’inscrit exactement dans ce processus, car le plus grand besoin d’un entrepreneur, c’est de se développer lui-même comme personne. Il doit pouvoir se questionner par rapport à son savoir-être, son savoir-agir, pour déployer le leadership nécessaire à l’accomplissement de son projet d’affaires.»
Cimon Chapdelaine affirme que la démarche mentorale lui a permis de s’épanouir comme entrepreneur. Il a d’ailleurs eu la chance d’avoir, pendant un an, une véritable vedette du Québec Inc comme mentor : Bernard Paquet, cofondateur de l’agence publicitaire Cossette. « Ce fut un catalyseur en termes de prise de conscience. Il me confrontait, mais tout en douceur. Ça m’a permis de me donner plus de confiance en mes moyens, comment accomplir et avancer avec l’équipe. Grâce à notre relation mentorale, j’ai fait la transition entre un professionnel et un dirigeant d’entreprise, entre un travailleur autonome et un gestionnaire. » M. Paquet est décédé en juillet 2019 et Cimon Chapdelaine a eu l’impression de perdre un troisième grand-père.
À ses yeux, le mentorat fait partie d’une démarche essentielle vers la réussite en affaires : «On doit se donner les moyens d’être à la hauteur pour atteindre nos objectifs et assumer nos responsabilités d’entrepreneur», dit-il. Conséquemment, il poursuit des études de maîtrise en développement des organisations à l’Université Laval.
Pourquoi la France?
Cimon Chapdelaine participera à la Mission France 2020 organisée par le Réseau Mentorat. lui permettra donc d’identifier besoins, opportunités et partenariats éventuels, car Cimon Chapdelaine espère offrir des services de formation et d’accompagnement d’équipes d’intervenants et de professionnels en France ou à distance. «Nos approches sont très orientées vers la bienveillance et le support au quotidien, notamment en milieu de travail, dit-il. Elles sont bien reçues là-bas.»
Il constate qu’il existe beaucoup d’atomes crochus entre les professionnels qui travaillent chez MultiSens et leurs collègues français. «Les Québécois forment une microsociété dans un ensemble continental plus vaste, dit-il. On doit se débrouiller avec beaucoup moins de moyens. C’est dans notre culture d’être davantage créatifs dans nos approches.»
Cet article est une collaboration de Stéphane Desjardins.